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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/17

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visages de montréal

possession de la terre était dans ces pieds. Ils disaient le domaine profond d’en dessous, les richesses chaudes. Cet homme ne pouvait vieillir : il n’avait qu’à descendre de son seuil et à se planter quelques instants dans sa forêt pour se sentir repousser.

Au-dessus montaient les deux fûts droits des jambes, qui se rassemblaient pour former le tronc, d’où jaillissaient des bras faits pour se déployer dans les grands rêves et la générosité de la vie, et encercler d’amour Blue Sea Lake. La tête couronnait l’édifice, avec un feuillage frisé de cheveux roux, des yeux bleus ouverts sur le large. Je remarquai plus tard que le seigneur de Blue Sea avait les yeux de la même couleur que son lac. Sa peau était rose, mise à chauffer chaque jour au soleil, son nez en bec d’aigle et son menton terminé par une barbiche qui donnait à ce descendant de Normands l’aspect d’un mousquetaire. Ajoutez à cela le nom de Saint-Loup.

Il ne se pressait pas de nous faire entrer. Du premier coup d’œil, il avait serré sur sa poitrine les trois inconnus que nous étions pour lui. Nous répondions à un vœu qu’il avait formé depuis longtemps de nous réunir dans le lieu qu’il aimait le plus au monde. Il ne nous étudiait pas en détails, mais nous acceptait en bloc tels que nous étions. Il ne se souciait pas non plus de l’effet qu’il