Aller au contenu

Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
marie le franc

des rotondes de plage. Brève consultation : les hommes s’appuient, de tout leur poids retrouvé, sur leurs cannes. Où va-t-on, maintenant qu’on a semé Lurcain ? Ils ont bien dit : semé. Ils s’esclaffent. Ils cernent les femmes. Leur Duc ! As-tu vu ce chapeau, ce pardessus ?… Quelle touche ! Ils ne s’attaquent pas à sa conférence, encore moins à ses livres. C’est à l’homme du divan qu’ils en veulent, l’homme couché. Leur grief contre l’homme tout court, solidement planté sur son œuvre, est trop profond pour qu’ils l’éventent en public. Duc Lurcain a remporté avec lui son souffle, sa poigne, sa notoriété. Il n’a laissé traîner derrière lui, dédaigneusement, que les pans de sa ceinture. Il n’a rien deviné. Il n’a pas senti que leur jeunesse affamée, leur jeunesse mâle, attendait de lui une parole… Ils se vengent : « Quelle touche ! » et rient, et détournent le visage comme s’ils s’attendaient à recevoir une gifle.

Elles sont furieuses, du moins en apparence. En réalité, heureuses de se retrouver, par cette atmosphère de bataille, dans le petit groupe de camarades. Elles éclatent contre les garçons. Potaches ! Ils ont été au-dessous de tout. Parce que Lurcain n’a pas pris une attitude de grand Ambassadeur ! Ils causent presque du scandale sur le trottoir poli du Ritz où le portier, un géant efflanqué en uniforme bleu pâle galonné d’or, pro-