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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/213

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visages de montréal

Je devais la quitter ce soir-là sans avoir pu résoudre le problème.

Ses parents étaient morts ; mais il lui restait dans la ville un grand nombre d’amis, de ceux qui demeurent fidèles à une famille considérée et riche. Un frère de sa mère, le colonel Murray, qui avait commandé au front le régiment des Black Watch canadiens, habitait la maison où Annabel était née ; c’était lui qui lui avait servi de tuteur et géré une fortune composée surtout de valeurs de Bourse qu’il fallait surveiller de près. Ses filles avaient été les compagnes d’enfance d’Annabel. Mais elles avaient presque perdu de vue leur cousine mariée et habitant Londres, qui n’écrivait que fort irrégulièrement et n’était jamais revenue dans son pays.

Depuis ce retour extraordinaire, elle devenait le centre de l’intérêt, la préoccupation quasi passionnée de tous, et principalement des femmes. Amies et parentes se téléphonaient chaque jour, et plusieurs fois le jour, à défaut de se rencontrer à l’heure du thé, et ce n’était plus de leurs maris, de leurs enfants, du coiffeur et de la couturière, de potins domestiques ou mondains qu’elles s’entretenaient, mais d’Annabel, des raisons secrètes qui la ramenaient inopinément au Canada, de son apparence, de sa nervosité, de ses insomnies, de ses propos rompus. Personne ne savait exacte-