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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/221

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visages de montréal

Nous naviguions sur une rivière tortueuse, étranglée par la végétation de ses rives, et de temps en temps le bateau se prenait dans les buissons de sureau et les églantiers monstrueux qui laissaient traîner sur les eaux limoneuses des panaches de roses sanglantes. Deux Chinois armés de perches, prenant un point d’appui sur les racines émergeantes, le remettaient dans le courant. Vers le soir, l’homme à la casquette de capitaine qui se tenait dans la petite guérite de la machine, me fit signe qu’il fallait débarquer.

Je n’étais pas la seule voyageuse arrivée à destination. Une grande fillette vêtue de corduroy, guêtrée de cuir, tenant par la courroie son sac de montagne, se préparait à descendre. On nous fit glisser sur une pile de planches qui se trouvait à point pour nous servir de débarcadère sur les berges inondées. Nous étions dans le désert, un désert marécageux, d’une certaine tristesse et d’une certaine douceur, avec çà et là des groupes d’aulnes dont on ne voyait que la tête.

Les instructions que j’avais reçues de l’Y. M. C. A. étaient de descendre à ce point et d’attendre. Attendre quoi ? La nuit accourait, roulant devant elle des nuées d’ombre sur la plaine inondée que barraient au loin des montagnes obscures.

Don’t worry, they’ll come for us (Ne vous