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visages de montréal

éternelle du cœur humain. Tout le clinquant or et bleu d’une chaude journée tombait de nos corps qui frissonnaient, nus et gris.

« Nous l’appellerons le lac de l’Absent… » chuchota Cavelier. Sa pensée retournait-elle soudain à celui que nous avions abandonné, occupé là-bas à supputer les richesses que nous allions rapporter de notre insolite équipée ? Ou ce nom d’absent qui lui venait aux lèvres répondait-il dans le secret de son cœur à l’impression dominante laissée par cette journée en apparence si fertile : celle d’un vide en lui, d’un creux qu’il n’avait pu combler ? Quelque chose refusait de répondre, demeurait absent. Ce monde qui n’était pas le nôtre fuyait de tous côtés en nous narguant. Nos regards manquaient de promptitude pour le saisir et nos mains lâchaient prise.

Nous revînmes lentement sur nos pas. La maison apparut, avec sa petitesse parlante. Nous nous arrêtâmes sur son tertre avant de rentrer. Quelque chose nous força à lever la tête. Le ciel illuminé pompait nos visages jusqu’à lui, nous mettait au cou un collier de constellations et marquait nos épaules d’étoiles, comme celles des marins.

Le maître attendait, les pieds sur les côtes chaudes du poêle. Nous nous assîmes autour de la table et bien que chacun se tînt droit, dans l’at-