Aller au contenu

Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
marie le franc

déchirement la pâte unie de l’anglais. Il refait avec son eversharp, sur un mémorandum de poche, le calcul de la prime qu’il touchera. Il va pouvoir se payer une auto neuve, un coupé Chevrolet cette fois dont il a envie.

Jeannine, les deux mains jointes sous sa joue, l’écoute. Une épaule ronde sort de la chemise de nuit. Son visage est une étude. Les sentiments les plus contradictoires s’y mêlent : confiance, pessimisme, indulgence, dédain, ironie, cette ironie qui exaspère Théo. Et l’on devine, par-dessous ce ton de blague légère qu’il a adopté, un détachement de tout.

Il tire sa montre. Avant de partir, il va chercher à la cuisine le siphon de Caledonian water déposé dans la glacière. Jeannine fait son petit déjeuner d’eau pure et glacée. Il lui en apporte un grand verre, caresse Nanki qui depuis l’arrivée de Théo est venue se coucher sur le lit de sa maîtresse.

— Bye-bye !

— Bye-bye. Vous passerez ce soir ?

— Impossible. Nous allons au théâtre.

— Et mes frictions ? Qui les fera ? Bien entendu, Monsieur est aux ordres de sa poule ! Moi je passe après !

Il y a de l’impatience dans sa voix, le sentiment d’une injustice.