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marie le franc

qui auraient la forme exclusive du dévouement. Un homme ferait preuve d’une amitié désintéressée, d’un esprit de sacrifice absolu. Ce sont là pour Jeannine les vertus masculines suprêmes. On rêve que l’hypothèque est enfin payée, que toutes les dettes sont réglées, les affreuses dettes à des tas de petites gens qui ne crient même pas. On possède un cheval à soi, un cheval qui a de bonnes pattes. On envoie un chèque royal à tous ceux qui oublient depuis des années de rien réclamer : le chirurgien, l’homme d’écurie, Julien l’ancienne ordonnance du colonel qui a suivi le ménage au Canada et vient cirer les parquets le dimanche, comme d’autres vont à la messe. On ne peut espérer que Théo se range tout à fait, mais qu’il s’attache à la même femme et à la même entreprise. Nanki est assurée d’une vie éternelle. Il y a beaucoup d’hommes autour de Jeannine, tous des admirateurs. Aucun n’est son amant.


Dérogeant à ses principes, la voici qui va dans le monde, en apparence pour répondre aux sollicitations d’une amie : « Jeannine-douce, promettez que vous viendrez ! »… En réalité, elle escompte la présence de quelque nouveau venu que précède dans la colonie une réputation spéciale. Elle subit l’attrait du bizarre.

Chapeau trop grand pour la mode, qui refoule