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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/9

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visages de montréal

qu’en le cœur de Widgeon reposait notre unisson. Jamais nous ne trouverions, à l’orée de notre randonnée, une voix qui exprimât avec tant d’assurance tranquille et de rythme passionné tout l’espoir que nous en attendions.

En plus des ailes, Widgeon avait une membrure dans laquelle les battements de son cœur se répandaient, et nos corps fragiles en étaient renforcés, acquéraient en plus de leur mécanique des fibres de métal et des ressorts cuivrés.

Encore sur le macadam de la ville, qui ne retient rien des rêves des hommes, toute la route couvait déjà dans ses flancs, et l’odeur des feuillages pimentés piquait son nez rectangulaire.

C’était une de ces voitures dites en France cabriolet mais dont le nom signifie ici « avaleuse de routes ». En arrière, sous la queue, chacun jetait pêle-mêle ses bagages, la paire de souliers couverts des moisissures des forêts, le « coupe-vent » qui est une veste, couleur d’écorce, les bérets basques ; et puis les vivres, les bananes et les sandwichs, à côté de la lampe électrique et de la boussole. Au dernier moment, le chien Kilty, dont la langue rouge et les yeux de ver luisant brillaient dans un poil écossais de haute lice, était empoigné et déposé dans la niche de ces trésors dont il flairait l’odeur familière.