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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/95

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visages de montréal

il a regardé Bobette qui d’un clin d’œil lui a désigné Théo. C’est lui qui doit déguerpir. Il le connaît : il apprécie ses cigares. Aussi quand il dirige le trafic à un croisement de rues et que Théo passe avec sa MacLaughlin, il a la permission d’interpréter tout de travers les signaux de l’avertisseur : Go !… Stop !… et il fait des virages si capricieux que le constable doit se hâter de rentrer ses orteils. Ce soir, il n’y a pas de cigare qui tienne. Il empoigne Théo par le bras et lui conseille de ne pas « faire de trouble ». Il n’est pas fâché de le reconduire chez lui. La nuit est froide et il était obligé de se battre les bras à cause de l’onglée. À deux heures du matin, Jeannine est en pleine activité. Elle n’en est même pas aux préparatifs du bain. Assise sur sa chaise basse, le téléphone en main depuis une heure, elle bavarde avec quelque noctambule comme elle. Elle a pour la nuit des occupations méthodiques : elle ravaude des chaussettes, fait ses comptes, inscrit les deux sous du Daily News. Les cinquante dollars qu’elle a empruntés à une amie sont sur un carnet à part. Aussi le nombre de déjeuners à trente-cinq cents qu’elle a fournis à Théo. Quand Julien vient brosser, il y a toujours gratuitement pour lui des œufs au bacon, mais il s’obstine à laisser avec discrétion, près de son assiette, la même somme que Monsieur. Jeannine ne s’en formalise pas, car elle est