Page:Le Goffic-Thieulin - Nouveau Traité de versification française, 1897.djvu/19

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Nous appelons ici assonance la similitude de la dernière voyelle accentuée dans une série de vers qui se suivent : elle est féminine, si cette voyelle tonique est suivie d’une syllabe muette qui ne compte pas dans la mesure du vers ; elle est masculine dans le cas contraire. Ce procédé rythmique est fort ancien. Les poésies populaires latines recueillies par Édelestand du Méril[1] sont toutes assonancées, et il en est de même des hymnes de Saint-Hilaire, de Saint-Ambroise et du pape Damase (IVe siècle). Et, en effet, accentuer invariablement la dernière syllabe du vers devait conduire, pour renforcer le rythme, à l’homophonie[2] de cette syllabe finale. C’est cette assonance primitive qui, perfectionnée comme on le verra plus loin[3], est devenue la rime.

Dans l’ordre chronologique, le vers de dix syllabes semble succéder au vers de huit syllabes. Il apparaît d’abord dans la Vie de Saint-Alexis (milieu du XIe siècle) et dans la Chanson de Roland (fin du XIe siècle[4]). Dès cette époque deux syllabes dans ce vers sont affectées de l’accent tonique : la quatrième et la dixième. Le repos qui revient régulièrement après la quatrième syllabe et que l’on appelle césure est nécessité par la longueur du vers et a pour objet de rendre le rythme

  1. Édelestand du Méril, Poésies latines antérieures au XIIe siècle.
  2. Du grec ὁμὸς, φωνὴ (homos, phônê) : ressemblance de sons.
  3. V. p. 53.
  4. Ce vers serait une imitation du vers saphique latin, suivant M. Littré :

    Âbtû | lit clâ | rûm | cïtâ | mors À | chîllem ;


    du dactylique tétramètre catalectique, selon M. L. Gautier :

    Trîstiti | âm | vi | tâequë là | bôrés.