Aller au contenu

Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme une pudeur à en dissimuler les signes, même à celui qu’elle aimait ; elle se tenait vis-à-vis du monde dans cette réserve qui n’a rien d’hostile et dont les plus humbles de sa race se font une attitude et comme un bouclier contre l’ironie d’un milieu où ils se sentent étrangers. Vis-à-vis de son frère, cette réserve peut étonner. Elle surprend moins quand on y réfléchit. Ils vivaient l’un près de l’autre dans une sorte de respect exagéré et qui excluait toute expansion. « Ce sentiment déplacé, dit Ernest Renan, me faisait éviter avec elle tout ce qui eût ressemblé à une profanation de sa sainteté. » Henriette était retenue à son égard par un sentiment semblable. Peut-être qu’il se passait chez elle quelque chose de mal défini et d’obscur, et comme, dans sa renonciation à une forme restreinte et cultuelle de l’idée de Dieu, le sentiment du divin était demeuré en elle et, malgré elle, plus vivace que jamais, de même, quoique le signe de la prêtrise ne fût pas sur son frère, elle ne pouvait se défendre de ce respect singulier que l’éducation cléricale inspire aux femmes de sa race[1].

Les années, une expérience plus complète de la vie, le rayonnement de bonheur que mit autour de cette chère tête le succès d’un frère aimé, un élargissement de cette conscience naturellement si noble et si pure, modifièrent sans doute certains des traits que j’ai relevés ou n’en laissèrent subsister qu’une fugitive empreinte. Cette belle âme ne cessa jamais de s’élever ; elle fut un éclatant démenti aux mornes

  1. V. plus loin Le curé breton.