Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/16

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taine. Quel contraste avec nos autres provinces de France ! La Normandie et la Bretagne sont coude à coude, et il n’est point de pays plus dissemblables. Sans doute. Encore n’y prêterez-vous attention que si, pour aller de l’une à l’autre, vous avez su choisir votre itinéraire. Fi de la grande route ! Fi de la terre ferme ! Les transitions y sont trop marquées : des vastes herbages de la Seine et de l’Eure vous passez à la culture moyenne et aux ravines angustiées du Cotentin ; les champs commencent à revêtir l’aspect de blockhaus ; de minces oseraies les divisent en carrés. Puis ce sont des talus, encore bas et plantés d’arbres. Enfin vous apercevez les énormes levées de terre, hautes de deux et trois mètres, toutes hérissées d’ajoncs pareils à des fascines, qui donnent à la culture bretonne cet air singulier et farouche d’un assemblage de camps retranchés. Et, de même, les mœurs (une surprise, quand on saute brusquement du régime séquanais au pays de Léon ou de Tréguier), le voyage par terre permet d’en suivre la lente dégradation et les nuances insensibles. Il n’y a plus choc, ou, du moins, il est grandement atténué. L’impression est autrement profonde, si l’on s’est embarqué dans quelque port du Calvados ou de la Seine-Inférieure, à Ouistreham ou au Havre, par exemple, et qu’on se réveille le lendemain sur la Corderie de Lannion ou devant la flèche ajourée du Kreisker.

C’est qu’en réalité il n’y a qu’une même méthode pour pénétrer un pays et un homme : il n’est que de pousser droit au cœur. Cela n’est possible pour la Bretagne qu’avec la mer. Cette mer, qui la presse,