Aller au contenu

Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

recteur, son unique appui ; les portes du collège lui furent fermées. Comme il rentrait chez son père, un mendiant l’accosta sur la route :

— Tu m’as l’air bien désolé, fit cet inconnu. Tu croyais donc, mon garçon, que l’avenir n’appartient qu’à cette maison d’où l’on te renvoie aujourd’hui ? Regarde le soleil : il est si haut dans le ciel parce qu’il doit éclairer partout. Si l’on m’avait donné ton instruction, je ne serais pas à présent un pauvre Job. À ton âge les longs chemins sont permis et c’est péché de rester en détresse…

Spiritus dei fiat ubi vult. La destinée de Quellien, comme celle de son Trolann, dépendit d’une rencontre fortuite et d’un propos de mendiant. « Ce jour-là, dit-il, l’obscur coureur-de-route eut le don de prophétie. » Rentré sous le toit paternel, un « toit où l’on mangeait à peine du pain », Quellien complète ses études hâtivement. Bachelier, il n’a pas le « choix pour vivre entre deux vocations ». L’enseignement s’impose à lui ; il y pousse une pointe en province. Puis il vient à Paris. Il vit tant bien que mal — plutôt mal — de leçons données çà et là dans les chiourmes universitaires du Quartier-Latin ; il partage le pain et le sel avec des compagnons de chaîne qui s’appellent Ferdinand Brunetière et Paul Bourget ; il écrit auprès d’eux ses premiers vers, cette délicieuse Annaïk qui est l’un des plus parfaits modèles de l’amour breton et que Renan, débonnaire, accepte de tenir sur les fonts baptismaux de la publicité. Alors commencent de se nouer entre le grand philosophe et l’humble barde armoricain ces relations de maître à disciple qui