Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/185

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puissance d’hyperbole dont nous demeurions confondus et qui ravissait notre président.

Cette décade de 1884 à 1894 fut l’âge d’or de Quellien. Il vivait dans l’auréole de Renan : un peu de la gloire du vieux maître rejaillissait sur lui. La flamme s’éteignit avec Renan. Quellien chercha bien à en prolonger le reflet dans les dîners qui suivirent. Mais l’âme de ces agapes s’était évanouie. Quellien s’agitait vainement pour la ressusciter : il était trop visible pour tous que le dieu était parti et qu’il n’y avait plus là que son sacristain. En cette stérile contention il consuma un temps précieux et qu’il eût mieux employé à des œuvres personnelles. Outre sa délicieuse Annaïk, il avait publié une étude sur le patois des nomades de la Roche-Derrien et un recueil de mélodies et de danses populaires, fruit de la mission dont il avait été chargé, en 1880, par le ministère de l’Instruction publique. Peut-être n’apporta-t-il pas à ces œuvres de recherches savantes tout le sérieux désirable. Son Argot des Nomades ne parut pas, autant qu’il le voulait dire, personnel aux stoupers[1] de la Roche-Derrien. Deux volumes de nouvelles : Loin de Bretagne et Bretons de Paris le montrèrent sous un jour plus heureux. Mais il faut convenir que la langue française le gênait un peu aux entournures. C’est une condition fâcheuse de penser dans une langue et de s’exprimer dans une autre. Le rythme et les idiotismes de la phrase bretonne le suivaient dans sa phrase française. Il ne pouvait se soustraire à leur

  1. Chiffonniers.