Aller au contenu

Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LES GRANDS CALVAIRES DE BRETAGNE




À André Baudrillart.

Les calvaires de Bretagne sont célèbres. Il y a des calvaires dans tous les pays, mais ils n’offrent point ces proportions magistrales, cette richesse d’ornementation, cette abondance et cette variété de personnages qui signalent les calvaires bretons. Bien connus des touristes, qu’émoustille la gaillardise des inévitables diableries sculptées sur leurs entablements, ils ont l’avantage de n’être point dispersés aux quatre coins de la péninsule armoricaine : les plus fameux se pressent autour de Morlaix, dans la pittoresque région qui s’appuie aux contreforts des monts d’Arrhée — cette échine de la Bretagne, keign Breiz, comme les appelle un dicton populaire — et descend jusqu’à la mer par des ondulations insensibles. Et, sans doute, l’art de ces monuments est quelquefois un peu fruste ; l’anachronisme n’y est point l’exception, mais la règle : les styles s’y bousculent ; la pierre n’y a point d’âge. Mais un idéalisme vivace circule dans ces frises barbares, souleva les humbles acteurs de ces grands drames plastiques, assouplit ces pauvres images et les délie en quelque sorte de leur dure gaine de granit. L’âme bretonne y palpite et on l’y peut saisir dans une de ses manifestations les plus touchantes, dans sa lutte souvent heureuse contre la matière qu’elle finit par dompter à force d’entêtement, de foi profonde et opiniâtre, — cette même foi qui, chez les naïfs ima-