Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Yann-ar-Gwenn. Ses meilleures poésies se chantent encore dans les assemblées. Elles se terminaient presque toutes par cet envoi : « Si vous désirez savoir qui a employé plume, papier et encre pour écrire cette sorte de récit et l’envoyer à l’imprimeur, c’est moi, Joan Le Minous, le petit barde de Tréguier. » La même formule se retrouve à la fin du Gwerz à Notre-Dame de Coz-Ilis, du Débat entre le premier valet et la servante de ferme, de l’Histoire de treize personnes mortes rendues à la vie par la vertu du tombeau de Saint-Yves, etc. Mais elle ne s’adaptait qu’aux pièces en vers de treize syllabes, à rimes plates, et le barde en avait d’autres pour les pièces en vers plus courts et à rimes croisées ou embrassées[1].

Je l’ai connu personnellement, ce bon Yann, quand il venait soumettre à mes parents les strophes de quelque chanson nouvelle. C’était un Breton de la race brune, court et trapu, perpétuellement coiffé d’un chapeau de paille défoncé, le menton glabre, comme tous ceux de son clan qui exercent leur profession à terre, et qui, dans ses longues marches d’été, pour courir d’un « pardon » à l’autre, tenait ses sabots à la main, crainte de les user. Il était né à Lézardrieux en 1827. Son père était tisserand et sa mère filandière. Il resta tout juste neuf mois en classe. C’était, d’ailleurs, le temps des fameuses écoles mutuelles, engouement de nos pères, où du frottement de deux ignorances on attendait le mi-

  1. Ce système de rimes est, du reste, tout moderne et paraît emprunté de la métrique française.