Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/255

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ment paradoxaux de ma chère Bretagne qui font mille tours et ne mènent nulle part. C’est leur charme. Si le chemin s’arrête court, nous n’en serons pas plus embarrassés pour cela : un échalier est vite franchi et, après une genêtaie ou deux, nous trouverons un autre chemin qui, pas plus que le précédent, n’aurait sa raison d’être ici-bas, si l’on exigeait des chemins bretons qu’ils fissent sérieusement leur métier de chemins… Aux premières ombres seulement, quand les bœufs lèvent leurs mufles inquiets vers le soleil naufragé et que passe sur les herbes ce frisson mystérieux qui trahit l’angoisse de la terre au crépuscule, nous aviserons, entre les branches des ormes, le pignon aigu, la tour en poivrière de quelque vieux manoir. Qu’importe qu’on ne nous y connaisse point ! L’hospitalité est de règle en Bretagne, et nous n’aurons qu’à répéter en entrant la formule traditionnelle de salut :

Kement’zo en ti, Doue d’ho mire ;
Kement’zo er maès. Doue d’ho c’honduo ;
Kement a dleomb pedenni evit-ho,
      Doue d’ho délivro !

« Tous ceux qui sont dans la maison, Dieu les garde ; — Tous ceux qui sont dehors, Dieu les conduise ; — Toute âme pour laquelle nous sommes tenus de prier, Dieu la délivre ! » Il n’y a pas d’huis là-bas qui résiste à ce sésame…

Bon ! m’allez-vous dire, et en quel endroit de la chrétienté sommes-nous ? Le nom, s’il vous plaît, de cette hospitalière demeure ? — Je n’en sais rien moi-même. Appelez-la Keringant, Lezmaës, Creuzolles,