Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/257

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ques, la fierté singulière dont ils relevaient leur mince équipement les avaient fait surnommer les Épées de fer. Dans les gentilshommières où ils se terraient le reste du temps, leur vie n’était pas différente de celle des simples fermiers ; ils se nourrissaient de bouillie et de lard ; beaucoup n’avaient même pas dans leur mobilier cette tapisserie de Bergame, dont parle Cambry, ni ce vieux fauteuil à personnages « fabriqué sous le roi Salomon ». Et souvent l’habit des États à grandes basques et à boutonnières de fil d’or qu’ils endossaient pour se rendre à Rennes venait de leur trisaïeul et le montrait surabondamment à ses manches élimées. Déjà bien diminués, bien réduits à la fin du XVIIIe siècle, la Révolution porta le dernier coup aux gentilshommes-laboureurs. Ils n’avaient que leur manoir et leurs champs, très peu d’argent liquide : ceux qui n’émigrèrent pas se jetèrent dans la chouannerie. Quand les Bourbons revinrent, leur patrimoine, confisqué par la nation, avait glissé en d’autres mains. Trop fiers pour mendier, ils n’encombrèrent point les guichets de Versailles et se firent journaliers ou paysans. Mais ils conservaient encore la fierté de leur sang. Dans une enquête de 1828 ou 1829, citée par le président Habasque, le commissaire-enquêteur venait d’écrire les nom et prénoms de Jean-Baptiste Kerénor.

— Votre métier ? demanda-t-il au comparant.

— Batelier.

Et comme le greffier se disposait à écrire :

— Monsieur, lui dit alors le comparant, ajoutez, s’il vous plaît, écuyer. Ce titre est le mien ; il fut celui de