Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/263

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qu’on leur impose sera court, du reste, et, au matin, ils recevront double provende. Ne va-t-on point, dans certaines localités, au Huelgoat, par exemple, jusqu’à faire cuire à leur intention une fournée de pain bis ? Qu’un de ces « chers animaux du bon Dieu » (loenidigou Doue) soit oublié dans la distribution et le « vieux Pol »[1] vous le marque à sa griffe pour le prochain sabbat. — Malloz ru war ar laer ! « Malédiction rouge sur l’écornifleur ! » dit le penn-ti. Et l’assistance, qui ne s’est jamais découvert tant d’audace, de répéter : « Malloz ru ! » Ah ! il en entend de belles, Polie, le soir de Noël ! Joyeusement, sur ses hauts chenêts en fer forgé, la bûche flambe et crépite : on l’a fait bénir au préalable par M. le recteur ou son « sacriste », avec le buis saint précieusement conservé de la messe des Rameaux. Tous les foyers de Bretagne pour la circonstance, ceux même qu’on n’alimente d’habitude que de bouses de vaches ou de goémons sèches, se chauffent au feu de bois. Longtemps à l’avance vous voyez les pauvresses glisser dans les taillis où le long des fossés, en quête de cette souche morte, kef Nedelek, la bûche de Noël, dont les braises refroidies possèdent de mystérieuses vertus : soous les lits, on prétend qu’elles éloignent le tonnerre ; au coin du foyer, qu’elles préservent la maison de tout danger d’incendie… Devant la bûche, des bols pleins de cidre sucré coupé d’un peu d’eau-de vie (le flip cher aux Bretons) cuisent doucement sur les cendres ; des châtaignes rissolent à côté, et ce serait assez déjà

  1. Surnom familier du diable.