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Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/311

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pêcheurs et des marins. Il y en avait un surtout qui lui était cher : un certain père Lelohec, que M. Tual ne nous décrit point, mais qu’il nous est loisible de tailler en imagination sur le type classique des anciens gourganiers de la « flotte en bois » et donc carré d’épaules, la lèvre rase, la barbe en collier, une perpétuelle fluxion à la joue gauche qui lui venait d’une chique récalcitrante. Tous deux, l’enfant et le retraité, s’étaient pris d’affection. Sur le parapet du musoir, à la barre de sa chaloupe l’été, l’hiver devant un feu de lande et de mottes, le père Lelohec, grand conteur de sa nature, narrait au petit Koun les mille et une péripéties de son aventureuse carrière, ses longues campagnes en Indo-Chine et dans le Pacifique, et les féeries des nuits équatoriales, et les appareillages, les escales, les naufrages, tout le poème de la vie au large. Quel magicien du verbe égalerait dans ses évocations un père Lelohec disant : « J’étais là… J’ai vu cela, petit, moi qui te parle !… » L’enfant, une flamme aux yeux, l’écoutait, et l’amour de la mer, comme par d’invisibles fissures, entrait chaque jour en lui plus profond et plus irrésistible.

« Être officier de marine, dit M. Tual, tel était le rêve du petit. Et cela effrayait son père, modeste instituteur de Baden, au caractère calme, à l’âme paisible. Et puis comment réaliser le rêve de Jobic ? L’instituteur était pauvre et chaque année, dans son humble demeure, un autre enfant naissait. Cependant plusieurs d’entre nous s’occupèrent du gamin. Nous en parlâmes à nos familles, frappés que nous avions été de son intelligence et de sa gentillesse. Joseph