Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/34

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triotes, qu’un servage déguisé. Mais il y a dans cette race bretonne une telle puissance de redressement et, pour dire le mot, un idéalisme si incurable qu’aux pires moments de sa vie le poète ne cessa de s’enchanter de beaux rythmes et de lumineuses évocations. Rappellerai-je cette Mort du roi Morvan (Maro ar roue Morvan), le plus magnifique épisode peut-être de notre littérature nationale ? Une traduction du Pater de Coppée, une adaptation en langage de Tréguier, des Géorgiques vannetaises de l’abbé Guillôme, étendirent la réputation de Gwennou dans le petit cercle des celtisants. L’érudit, entre temps, ne chômait point. Il appelait de tous ses vœux la réforme si désirable de l’orthographe bretonne. Il travaillait lui-même à cette réforme et l’on n’a point oublié ses longues discussions avec M. Ernault et le chanoine de la Villerabel.

On oubliera encore moins sa Santez Trifina : excellente pièce de transition, elle tint toute une année l’affiche du théâtre de Ploujean avec le Bourgeois vaniteux (ar Bourc’hiz lorc’hus) de François Jaffrennou. Le drame liturgique et la saynète bouffonne firent de compagnie leur Tro-Breiz, leur « tour de Bretagne ». Rivé à son bureau du quai d’Austerlîtz, Gwennou, cependant, libellait des « expéditions». Ô Muse, vous savez seule combien de fois le barde-rédacteur s’interrompit dans son insipide besogne pour suivre en esprit les acteurs populaires qui promenaient sa chère Tréphine dans les pardons de Bretagne ! Des cloches tintaient sur la lande ; l’air embaumait délicieusement ; la blanche Tréphine, ses bras