Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/375

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duit d’un million et demi (soit un million de plus que ne demandait sir Robert Peel) la population de l’Irlande. Les quatre millions qui restent ne sont pas en meilleur point qu’avant. Il faut donc chercher une autre explication à la crise irlandaise. Avant la conquête, le sol appartenait aux habitants. On le confisque[1]. Ce peuple avait une religion, une langue, des droits civils et politiques. On les supprime : interdiction d’enseigner l’irlandais dans les écoles, interdiction aux catholiques de recevoir ou transmettre des propriétés foncières par héritage ou par donation, d’acheter de la terre, d’emprunter sur hypothèques, de contracter un bail excédant une durée de trente et un ans. Lesdits catholiques ne peuvent être électeurs ni éligibles. Ils ne peuvent entrer dans aucune administration. Ce n’est pas tout : la femme ou le fils d’un catholique qui adopte la religion anglicane devient propriétaire immédiat d’une portion de ses biens ; le frère cadet qui se fait protestant frustre son aîné du droit de primogéniture conféré par la loi ; les orphelins d’un catholique sont élevés d’office dans la religion protestante. Tous les hauts dignitaires de l’Église catholique sont proscrits ; les contrevenants risquent tout simplement d’être pendus, leurs entrailles arrachées, leurs membres coupés en quartiers. Les prêtres de paroisses, là où on les tolère, doivent prêter un serment qui est une injure à leur foi ; inscrits comme

  1. D’après un relevé bien connu, dit Stuart Mill, toute la propriété foncière de l’île a été confisquée jusqu’à trois fois successivement. »