Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/116

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tème ». Il l’adopta de toutes pièces, témoignant ainsi de plus de patriotisme que de sens critique. Le « système Le Brigant », dont Voltaire et les encyclopédistes firent de si belles gorges chaudes, n’allait à rien moins, on le sait, qu’à dériver toutes les langues de la langue bretonne, cette « Palmyre des idiomes déchus ». Comme Le Duigou avait toujours à la bouche ce mot de système, on le lui donna pour sobriquet. Il était fort érudit, mais d’une érudition probablement assez trouble, comme celle de son maître qui mêlait toutes les notions et toutes les grammaires, l’hébreu et l’irlandais, le polynésien et le patagon. Il n’écrivait pas ou, du moins, on ne connaît de lui aucun ouvrage, aucun manuscrit. Ses ressources devaient être modestes, puisqu’il ouvrit pour vivre, à Tréguier, un petit cabinet de lecture. Ce cabinet manquait évidemment d’orthodoxie. Le Duigou n’avait pas pris à La Tour d’Auvergne et à Le Brigant que leurs théories linguistiques, mais encore leur nuageux philosophisme. Il acheva de se rendre suspect au clergé local en annexant à sa librairie « un commerce de masques ». À Tréguier et sous la Restauration, un tel commerce, en effet, devait sentir le fagot. Avec les livres et les masques, Le Duigou tenait sans doute plusieurs autres articles à bon marché, comme il s’en débite dans ces petits bazars hétéroclites de province, et peut-être de l’épicerie, des fruits, des légumes, ce qui explique les fameux « oignons » remarqués par Michelet. La révolution de Juillet, si elle éveilla un moment ses espérances, ne put que l’enfoncer un peu plus par la suite dans son hypocondrie. Encore a-t-on peine à