Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/122

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L’homme y apparaît le prisonnier des éléments ou, pour mieux dire, de la création entière ; il est, comme chez M. Simon Davaugour, le jouet du feu, des eaux, des bois, des pierres et des animaux eux-mêmes ; il éprouve comme il serait vain de résister à ces puissances occultes et démesurées. Un immense sortilège l’enveloppe. Pour qui connaît la race celtique et l’extraordinaire persistance de son être moral à travers les siècles, l’idée chrétienne du renoncement — si belle qu’elle soit — ne pouvait que fortifier les décourageantes conclusions de ce panthéisme extravagant, où tout est libre et agissant dans l’univers à l’exception de l’homme, seul déterminé.

Cette résignation à base de fatalisme s’exprime chez les Bretons par un monosyllabe dont je désespère de rendre les multiples et changeantes acceptions : ma !

Tantôt seul, tantôt accompagné d’ ou de aussi donc, tantôt sec comme un coup de trique et le plus souvent veule et traînant comme un soupir, ma est l’exclamation du dépit, de l’étonnement, de l’aigreur, du regret, de l’ennui et de bien d’autres sentiments encore, mais d’un ennui, d’un regret, d’une aigreur, d’un étonnement, d’un dépit qui connaîtraient leur impuissance et auraient commencé déjà à faire contre fortune bon cœur. Ma, chez les gens du Trégor surtout, revient à presque toutes les phrases ; il les ouvre et il les ferme. C’est le nitchevo breton. Il veut dire aussi bien : « Tant pis ! » que « Pas possible ! »