Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/135

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on ne s’expliquerait point autrement qu’un pape y voisinât avec un manant, une coquette avec un avocat. Egalité de tous les sexes, de tous les âges et de toutes les conditions devant la mort ! Mais à quelle pensée singulière obéit l’artiste qui, sur l’une des corniches de l’ossuaire Saint-Eutrope, à Pencran, figura le triomphe de Neptune et d’Amphitrite ? Prévoyait-il la laïcisation future de cet édifice, dont les hasards des liquidations judiciaires ont fait un bureau de tabac ? Et il est vrai que l’ossuaire Saint-Thomas, à Landerneau, n’a pas reçu une affectation moins réaliste : il est occupé par la famille d’un savetier. Celui de Daoulas est devenu une sacristie : de l’ossuaire de Penmarc’h, le plus ancien (1508) et l’un des plus gracieux du genre, il demeure seulement le pignon et les soubassements. Et il ne reste que le souvenir de l’ossuaire du Faou, qui gênait la voirie municipale, de l’ossuaire de Quimper (1514), qui avait pour auteur Guillaume Guenmoran[1], de l’ossuaire de Trébeurden, tombé, dès 1778, sous les anathèmes du recteur, l’abbé Nayrod, lequel ne trouva que cet expédient pour libérer ses ouailles de la sainte terreur où les plongeait le funèbre édifice. On y entendait chaque nuit des rumeurs étranges ; on y apercevait des lumières : rumeurs et lumières étaient le fait de fraudeurs éhontés qui avaient pris le charnier pour corps de garde…

À ces exceptions près, on peut dire que la plupart

  1. Quelques fragments de cet ossuaire, démoli en 1840, ont cependant été recueillis et déposés dans la cour du Musée.