Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/139

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Tels sont les us d’outre-tombe en Bretagne. Et que ces us nous reportent en plein moyen-âge, qu’ils étonnent un peu les Parisiens du XXe siècle, je n’en disconviendrai point. L’essentiel est qu’on en puisse constater la survivance chez les Bretons et qu’ainsi M. Ernest Dargent, en faisant procéder à l’exhumation de son père et à la décollation de son « chef », se soit conformé aux pratiques encore existantes.

Il est possible par ailleurs et vu l’état du cadavre que l’opération ait présenté certaines difficultés. Mais est-ce la première fois que le cas se produit ? Et n’avez-vous point lu, chez M. Le Braz[1], l’histoire du fossoyeur Poaz-Coz, à qui le curé de Penvénan, pour faire place à un nouveau défunt, commanda d’exhumer le cadavre d’un certain Ropers, enterré depuis cinq ans et qui semblait avoir droit lui aussi aux honneurs de l’ossuaire ? Vainement Poaz-Coz représenta-t-il au curé que Ropers, gros et gras comme il l’était de son vivant, n’avait pas encore eu le temps de se décomposer. Il lui fallut obéir, et sa pioche, en heurtant le cadavre, l’éventra plus qu’à moitié. La nuit venue, notre homme, qui ne se sentait point la conscience tranquille, reçut la visite du mort :

— Vois, lui dit-il, en quel état tu m’as mis !

Poaz-Coz fut bien effrayé. Mais le défunt le rassura en lui promettant son pardon, s’il faisait célébrer une

  1. Cf. Anatole Le Braz, la Légende de la Mort chez les Bretons Armoricains (Champion, édit.).