Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/14

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rêve millénaire. Aux vieux partis qui lui chevrotaient l’antique et somnifère berceuse : Kousk, Breiz-Izel (Dors, petite Bretagne…), elle a répondu par un de ces bonds prodigieux comme en font seuls les peuples extrêmes, les races impulsives chez qui le sentiment tient lieu de raison. Un peu partout, à Vannes, à Nantes, à Rennes, à Lorient, à Saint-Malo, à Lannion, à Roscoff, une Bretagne jacobine et libre-penseuse remplace sans transition la Bretagne de l’ancienne formule, conservatrice et catholique. Les campagnes emboîtent le pas aux cités. Tel est le déconcertant phénomène auquel nous assistons. Et pourtant, avec d’autres, après d’autres, j’ai écrit : « Rien ne change en Bretagne… » L’écrirais-je encore, cette phrase sentencieuse et péremptoire ? Peut-être. L’essentiel d’un peuple c’est son âme. Et l’âme bretonne est sensiblement la même aujourd’hui qu’hier : le chimérique Merlin n’a pas rompu l’enchantement de Viviane, mais Viviane, pour lui plaire, a pris un autre visage et s’est coiffée d’écarlate. Sa chimère a changé, — non pas lui, le doux, l’incurable dément !

Aussi bien un vieux levain d’anarchisme fermenta toujours au fond des diverses familles de la race celtique ; Hervé n’est pas un accident ; il faut toujours en revenir, quand on parle des Celtes, au dur et méprisant verdict du proconsul romain : ce peuple est tout faction.