Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/180

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Saint-Pierre la plus grande partie de ce personnel et de celui des sècheries. Le prix du voyage varie entre 70 et 80 francs. Et l’on peut trouver que c’est un prix assez bas. Pas assez bas encore, au gré de certains armateurs coloniaux, qui, pour réaliser une économie de 30 o/o, font venir leur personnel par voiliers. Cinq ou six cents pêcheurs et la presque totalité des graviers (jeunes Bretons des Côtes-du-Nord employés dans la colonie au séchage de la morue sur la grave ou grève) sont ainsi embarqués, sous forme de fret, sur les goélettes métropolitaines où on les empile vaille que vaille à fond de cale.

Le retour s’opère dans des conditions plus lamentables encore. Car, cette fois, tout le monde est logé à la même enseigne et, faute de steamer, les 2.500 pêcheurs et les 5 ou 600 graviers de l’armement colonial regagnent par voiliers leur port d’embarquement. Des bateaux de 75 et 100 tonnes, aménagés pour 10 hommes d’équipage, reçoivent ainsi jusqu’à 50 passagers et davantage. Les Cousins-Réunis en avaient 102 ; le Jules-Jean-Baptiste 100 ; l’Angler le dernier bâtiment perdu, 66 ; la Morue 60. Bondés de la sorte, les navires n’offrent aucune résistance aux éléments : il suffit quelquefois d’une simple lame pour les culbuter et le moindre accident s’y transforme en catastrophe. Là où dix hommes énergiques, disciplinés et de sang-froid, se tireraient peut-être d’affaire, cinquante ou cent, troupeau inorganique, succomberont inévita-

    Sur la Côte, chap. : les Terreneuvas ; et les Métiers pittoresques, chap. : Deux tableaux de la vie terreneuvienne.