Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/203

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Ambitieux programme ! Pour le remplir — et il a été rempli, même au-delà, — il fallait l’homme qu’est M. de Thézac[1].

Que n’avez vous pu, comme moi, le voir à l’ouvrage, là-bas, sur son petit yacht et dans son ermitage de Sainte-Marine, entre sa femme et ses chers enfants ? Quand on m’introduisit dans son cabinet de travail, je crus pénétrer dans un roufle de navire. La mer entrait de tous les côtés par les vitres ; des mouettes piaillaient dans le vent, se cognaient aux carreaux. Peu après nous mîmes à la voile pour le Guilvinec. Je retrouvai M. de Thézac en vareuse, coiffé d’un béret, chaussé de sabots comme un simple pêcheur. Le yacht filait grand largue, salué par les barquettes des sardiniers. Un matelot et mon hôte faisaient tout l’équipage. Et j’admirais comme cet homme si frêle, un peu voûté, aux tendres yeux de myope, était là dans son élément. Nous causions des Abris ; je lui demandai quelques renseignements personnels. Mais il esquivait la question, revenait toujours à ses chers amis les pêcheurs, à leurs besoins, à leur vie d’héroïsme et de misère, aux affreuses tentations qui les guettent dans les ports. C’est une obsession chez lui. Il pousse la modestie, l’oubli de soi, jusqu’à l’effacement total : il est la bienfaisance anonyme et d’autant

  1. Sur les services qu’ont rendus les Abris et particulièrement à la cause de l’anti-alcoolisme, consulter encore Sur la Côte, chap. La Crise sardinière.