Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/294

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Henri Marlin s’asseyait à son tour au foyer de l’hospitalière châtelaine ; nous nous rappelions enfin, non sans quelque émotion, que, lors du congrès de 1867 tenu à Saint-Brieuc par l’Association bretonne, cette même châtelaine de Llanover, relevant d’une longue maladie qui l’obligeait à de grands ménagements, s’était fait représenter par le barde Gruffyd, le roi des telynors gallois, aveugle et chenu comme Homère et que conduisait par la main la charmante Suzanna, digne élève d’un tel maître.

Nous savions que la mère de lady Herbert revivait dans sa fille, qu’elle lui avait transmis son patriotisme chevaleresque, sa flamme et sa décision.

À l’avant-garde du pays de Galles, en plein comté anglais de Monmouth, les beaux domaines de Llanover étaient plus menacés que n’importe quelle autre partie de la principauté. Sans une surveillance de tous les instants, l’infiltration anglo-saxonne les eût pénétrés, submergés peut-être à la longue. La légende, — car ici la légende se mêle à toutes choses petites et grandes, — la légende donc ajoutait que lady Herbert, qui s’est faite catholique comme lord Bute, avait juré à sa mère, fervente wesleyenne, de n’agréer sur ses terres que des tenanciers wesleyens. Un tel engagement lui coûtait à tenir. Elle l’avait tenu cependant. Du moins avait-elle exigé de tous ses fermiers qu’ils parlassent gallois, qu’ils élevassent leurs enfants dans les écoles galloises, qu’ils gardassent les coutumes et les mœurs galloises. Sauf elle-même et ses fils, il n’y avait que des protestants sur ses terres : il n’y avait pas un seul Anglais.