Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/90

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les avait enfermées sous le triple sceau d’une abstruse cryptographie. Aussi bien, la grammaire de Grégoire étant d’un format moyen, ne se séparait-il jamais, sans doute, du cher petit in-8o qui lui rappelait de si délicieux moments. Le titre du livre, autant que le sérieux des matières qu’il traitait, étaient une garantie contre les soupçons qu’aurait pu faire naître l’espèce de frénésie sensuelle avec laquelle le jeune novice se plongeait dans la méditation de son Grégoire : quand il rouvrait, d’aventure, en se promenant sous le beau cloître à l’italienne fraîchement restauré par Dom Perrin, le prieur et les profès devaient admirer que le chapitre des adjectifs verbaux ou celui des lettres mutes put offrir tant d’intérêt et passionner à ce point un cerveau de vingt ans. Ruse innocente qui permettait à François, cependant qu’on le croyait absorbé par quelque grave problème grammatical, de s’abandonner tout entier à la pensée de son amie, d’évoquer sa ravissante image, de détailler une par une ses beautés les plus secrètes à l’aide du voluptueux portrait qu’il avait tracé d’elle sur la dernière garde de son Grégoire :

« Elle est… »

Mais François réfléchit que, si l’on trouvait son Grégoire, ce féminin le trahirait. Il retourna le livre et, substituant un genre à l’autre, écrivit :

« Il est un peu plus grand que moy ; il a le visage rond, les cheveux châtains, le front élevé, le teint blanc comme la cire, les yeux noirs et très vifs, un coloris charmant, la bouche très vermeille, les dents d’un blanc de neige, un petit menton relevé, la