Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/94

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François n’aurait changé qu’un mot à cet ineffable couplet, qu’il eût fait sien pour tout le reste : dominus fût devenu sous sa plume domina. Dans les bras de sa « douce », à la veille de lui dire adieu pour jamais, le pauvre kloarec quimperlois mesurait combien la distance est grande, le chemin roide et pénible, de l’amour profane à l’amour divin, — et le nom du Seigneur lui était aussi amer que lui était délectable le nom de Marie-Anne. C’était ce nom qu’il continuait de répéter partout où il traînait ses pas, dans le promenoir du cloître de Langonnet et dans sa cellule de novice, sous les arceaux de l’ancienne salle du chapitre et sur les bords du torrentueux Ellé.

Tel, six siècles en deçà, Abélard pleurant Héloïse devant les rochers de Saint-Gildas. Et tel, ou plus tragique encore, ce clerc de la chanson bretonne qui, le jour de sa première messe, trépassa de douleur sur le sein de sa mie expirante : — dont le « recteur » de la paroisse éprouva un tel bouleversement qu’après avoir commencé par pester tout son soûl en chaire contre « les jolies filles, perdition des jeunes séminaristes », il ne trouva plus pour le couple infortuné, à la fin de son homélie, que des paroles d’indulgence et des souhaits de bonheur éternel :

Maint ho daou indan peb a ve ;
Bennoz Doue war hoc’h ine !

« Tous deux sont chacun dans la tombe ; — la bénédiction de Dieu descende sur leurs âmes ! »

Ainsi soit-il.