Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/16

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parce que toute conscience, comme disent les philosophes, est le sentiment d’une différence. Et je ne suis pas peu fier en vérité que ce soit par la Bretagne trégorroise que vous ayez commencé ce travail d’investigation. Vous étiez au printemps de votre génie ; vous aviez cette grâce sans pareille et un peu hautaine qu’avec une touche moins efféminée nous eût restituée le célèbre portrait de Jacques Blanche. Si, de tous les Barrès antérieurs et postérieurs, c’est ce Barrès-là qui m’est resté le plus cher et que j’irai évoquer sur votre tertre, qui s’en étonnerait ? Je suis comme ces beautés provinciales sur qui se posa un jour le regard d’un jeune roi de passage et pour qui la vie, le monde et leur cœur s’arrêtèrent ce jour-là.



La Bretagne n’occupe pourtant qu’une assez petite place dans votre œuvre. Les Huit jours chez M. Renan ôtés, vous n’avez même pas pris la peine de recueillir les pages qu’elle vous inspira en cette année 1886 et qui parurent au Voltaire d’abord, puis, légèrement retouchées, dans la Lorraine-Artiste ; vous les jugiez « chétives », « superficielles » et bonnes tout au plus à être « glissées en notes dans quelque livre de Breton qui dirait : « Voilà ce qu’a senti un étranger, un homme du dehors, un barbare qui était venu jusqu’ici boire une bolée de cidre »… Voyez, ajoutiez-vous, si vous envisagez que, réunissant un jour vos proses sur la Bretagne, vous pourriez faire un sort en petits caractères à ce qui vaut un peu dans ces quatre articles[1] ».

La vérité, c’est qu’il y eût fallu joindre, pour déga-

  1. Lettre du 22 octobre 1896.