Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/175

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un an après, jour pour jour. Il jouissait en paix de son acquisition quand, par une nuit sombre de l’hiver 1808, deux hommes frappèrent à sa porte : l’un était M. de Boisé-Lucas, l’autre Armand de Chateaubriand, traqué par la police impériale, qui avait éventé sa présence sur le continent. L’héroïque courrier des Princes, « l’ami des vagues », comme l’appelle M. Herpin, menait, sous le nom obscur de Terrier, l’existence la plus rude, la plus aventureuse qu’on puisse imaginer : sans cesse ballotté entre l’Arguenon et Jersey, il s’exposait sur de frêles planches aux tempêtes et aux balles des garde-côtes pour porter en France la correspondance de Louis XVIII et du comte d’Artois. À la vue de ce revenant, Morvonnais faillit tomber en syncope. Il n’eut que le temps de murmurer ;

— Partez ! Pour rien au monde je ne vous recevrai ici !

— Du moins, gardez-moi le secret, dit Armand, qui s’attendait à un autre accueil dans la maison de son enfance.

Morvonnais avait déjà refermé la porte : le proscrit s’en alla vers sa destinée. On sait le reste, son arrestation, sa mise en jugement, son exécution sur le boulevard de Grenelle, et les lignes vengeresses de René dans les Mémoires d’Outre-Tombe :

« Le jour de l’exécution, je voulus accompagner mon camarade vers son dernier champ de bataille. Je ne trouvai pas de voiture. Je courus à pied à la plaine de Grenelle. J’arrivai tout en sueur, une seconde trop tard : Armand était fusillé contre le mur d’enceinte de Paris. Sa tête était brisée ; un chien de boucher léchait son sang et sa cervelle… Lorsque je me promène sur le boulevard de la plaine de Grenelle, je m’arrête à regarder l’empreinte du tir en-