Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/195

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jusqu’en 1883. C’est seulement à la fin de cette année-là que Pol Kalig, pseudonyme du docteur Chenantais, cousin et ami de Corbière, parla des Amours Jaunes à Léo Trézenic, lequel dirigeait, avec Charles Morice, une petite revue d’avant-garde nommée Lutèce où Verlaine collaborait. On sait le reste et comment Verlaine, à qui Morice et Trézenic avaient porté l’exemplaire prêté par Pol Kalig, le lut, s’enflamma et rédigea, séance tenante, l’étude fameuse qui ouvre sa série des Poètes maudits :

« Tristan Corbière fut un Breton, un marin et le dédaigneux par excellence, œs triplex… Comme rimeur et comme prosodiste il n’a rien d’impeccable, c’est-à-dire d’assommant… Son vers vit, rit, pleure très peu, se moque bien et blague encore mieux. Amer d’ailleurs et salé comme son cher océan, nullement berceur, ainsi qu’il arrive parfois à ce turbulent ami, mais roulant comme lui des rayons de soleil, de lumières et d’étoiles, dans la phosphorescence d’une houle et de vagues enragées !… Il devint Parisien un instant, mais sans le sale esprit mesquin : de la bile et de la fièvre s’exaspérant en génie et jusqu’à quelle gaieté !… »

Suivaient quelques citations : Rescousse, Epitaphe, etc.

« Du reste, ajoutait Verlaine, — qui donnait cependant et avec raison la préférence au Corbière marin et breton sur le Corbière parisien, — il faudrait citer toute cette partie du volume, et tout le volume, ou plutôt il faudrait rééditer cette œuvre unique, les Amours jaunes, parue en 1873, aujourd’hui introuvable ou presque, où Villon et Piron se complairaient à voir un rival souvent heureux, et les plus illustres d’entre les vrais poètes contemporains un maître à leur taille, au moins ! ».