Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/217

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Amours jaunes jetait pêle-mêle des notes, des impressions et des croquis. L’épisode du Panayoti occupe trois grandes pages de cet album. Ah ! dame, ce n’est pas le ton solennel de l’épopée. Les héros — surtout les héros du peuple — ont une manière à eux de narrer leurs exploits qui ne rappelle que de très loin Victor Hugo. Trémintin, même décoré et promu officier de la marine royale, restait le quartier-maître pilote Trémintin. L’histoire, dans sa bouche, était encore de l’histoire ; mais c’était de l’histoire contée à coups de poing, suiffée, salée, goudronnée, de l’histoire au jus de chique. Et, tout de même, l’émotion y était, le je ne sais quoi qui fait passer tout à coup dans les veines un frisson sacré…

Vous entendez bien que je ne vais pas reproduire ici ce poème, assez long d’ailleurs et que M. Ernest Noir se réserve de publier en temps et lieu. Je me borne à y glaner quelques détails assez pittoresques et négligés par l’Histoire, — celle qui prend une majuscule. C’est ainsi que Bisson, paraît-il, se mit en grande tenue, épaulettes, claque à cornes, etc., pour recevoir les pirates. Élégance d’officier français qui aime à se parer pour la mort ! Quant au dialogue qu’il échangea, en cet instant suprême, avec Trémintin, c’est bien, au ton près, plus savoureux chez Corbière, celui que rapporte l’amiral Halgan :

 
Trémintin, q’y me dit, accoste à moi, matelot :
T’as du cœur ? — Moi, du cœur ?… Foi de Dieu ! Plein mon ventre !
— Bon ! Si j’aval’ma gaffe avant toi, faut pas s’rendre.
— J’sais ça-zaussi bien qu’vous. — Oui, mais faut f… le feu
Dans la soute aux poudres et… ta main, gabier, adieu… !


C’est ainsi que parlent les héros… dans la vie réelle. On n’a pas le temps de pomponner ses phra-