Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/258

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que quelques admirateurs de Maria Chapdelaine s’occupaient de faire cesser. J’avais, pour ma part, entretenu de ce beau livre un de nos grands éditeurs de la rive gauche ; je lui avais signalé tout l’intérêt, l’urgence même — en raison des manœuvres d’approche de certaines firmes étrangères — qu’il y avait à le couvrir au plus tôt d’une firme française : M. Daniel Halévy a pris les devants, et je vois, par les journaux, que les Cahiers verts, la nouvelle collection qu’il prépare, vont ouvrir leur premier numéro avec ce chef d’œuvre inconnu.

Chef-d’œuvre, c’est le mot. Inconnu ? Entendons-nous. Il n’est inconnu que dans la patrie de son auteur. Au Canada, dans toute l’Amérique du Nord, en Angleterre, aux antipodes, il est fameux depuis longtemps. Et, en vérité, le cas de cette Maria Chapdelaine est bien — littérairement parlant — un des plus étranges et presque des plus déconcertants qui soient.

Si vous êtes un peu au courant des lettres canadiennes, vous savez l’émouvant effort qu’elles font, depuis tantôt un siècle, pour se dégager de l’imitation, être autre chose qu’une simple littérature de reflet. Le Canada ne cherche pas à rompre avec nous, avec notre langue, dont il garde peut-être la tradition mieux que nous-mêmes : le Canada ne fut jamais plus français de cœur qu’aujourd’hui, surtout depuis que nous avons renoncé ou que nous avons eu l’air de renoncer à la politique sectaire de l’ancien combisme. Mais, étant le Canada, c’est-à-dire un pays fortement caractérisé sur la planète par ses lacs, ses monts, ses bois, sa faune, ses mœurs, son histoire, ses aspirations, il estime, et avec raison, qu’il a droit à ce qu’un peu de tout cela se transfuse dans les poèmes et les récits qui prétendent à l’ex-