Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/28

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entre votre rationalisme et ces appels de l’Au-Delà, ces bourdonnements de vos plus anciens globules qui vous troublaient sans vous décider à leur donner votre adhésion ! Le Lorrain, là-dessus, chez vous, malgré de brèves défaillances, des minutes où on le crut près de se rendre, jusqu’au bout résista. Mais qu’il ait tant eu à se défendre, qu’entre le Celte et lui le débat ait pris cette ampleur, cette douloureuse noblesse, ce haut son liturgique, c’est ce qu’on n’aurait pas cru qui se pût voir au pays du cardinal Mathieu et de M. Poincaré, et c’est de quoi l’on ne sera jamais assez reconnaissant à la Bretagne : si elle n’a point été votre mère, ne lui marchandez point plus longtemps, ami, d’avoir été l’accoucheuse de la partie la plus profonde de vous-même.

Aussi bien en avez-vous quasi fait l’aveu. « Il est des lieux, dites-vous dans la Colline Inspirée, qui firent l’âme de sa léthargie… ». Au premier rang de ces lieux privilégiés, baignés de mystère, « élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse », vous citez Lourdes, le Mont Saint-Michel, les Saintes-Maries-de-la-Mer, le rocher de Sainte-Victoire, Domrémy, — enfin celle qui aurait dû tenir chez vous la tête de la nomenclature, et par droit d’ancienneté et par droit de primauté d’influence, la forêt de Brocéliande, à demi-païenne encore parmi tous ces chrétiens et ces chrétiennes d’une absolue orthodoxie, Brocéliande, si conforme à la figure de votre âme nostalgique, bruissante et profonde, qu’au lieu de vous chercher à Charmes, c’est peut-être là, Barrès, qu’en définitive, quelque soir de l’arrière-automne, au bord des étangs rouilles, sous les chênes fatidiques, j’irai vous évoquer…

Paris, 25 avril 1924.