Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/285

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mon éminent ami M. Joseph Loth, a retrouvé, près de Guéméné, je crois, la terre de Ménézouarn. Aucun doute, désormais, et c’est là, autant qu’à Bourbon, j’imagine, qu’il faut chercher le secret de certaines attitudes du nouvel académicien et, plus spécialement, de son amour presque filial pour les légendes arthuriennes. Ménézouarn est si voisin de Brocéliande !

J’entends bien que ce Joseph Loth, qui a su si promptement dénicher le terroir perdu de Ménézouarn, est aussi le même homme qui conteste à la Bretagne l’honneur d’avoir servi de cadre à la mélancolique histoire de Tristan et d’Yseult : c’est la Cornouaille britannique qui aurait seule le droit, à l’en croire, de revendiquer cet honneur. Il importe assez peu, et M. Loth ne conteste pas tout au moins que les fictions arthuriennes soient issues de la collaboration intime du génie armoricain et du génie gallois.

Mais il y a une difficulté plus grande à mon gré. Comment concevoir qu’une aventure comme celle de Tristan et d’Yseult soit sortie d’un cerveau breton ? Quand le prude Vivès, dans son Institution de la femme chrétienne, si diligemment traduite par notre Pierre de Changy, mettait en garde les maris et les pères du seizième siècle contre ces livres « pleins de lasciveté et pestiférés, attirants à vice, comme Lancelot du Lac, Tristan, Merlin, etc. », il ne faisait que constater au demeurant ce paradoxe en apparence inexplicable d’un peuple dont l’extrême sévérité de mœurs, la pudeur presque farouche, ont passé en proverbe de très bonne heure et dont la littérature est en même temps la première qui établit et fit triompher dans tout l’Occident le prétendu dogme de la fatalité de la passion, excuse de l’adultère qu’elle parait des couleurs les plus séduisantes.