Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/341

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trée du goulet de Brest ; telle encore la région de Penmarc’h, sorte de grand radeau à demi submergé, qui nourrit sur ses steppes plats une population étrange aux crins durs et noirs, aux pommettes saillantes, aux prunelles retroussées, aux vêtements brodés de disques, de lunules et de spirales symboliques, les Bigoudens, débris — croyait-on, mais ceci paraît controuvé — de quelque tribu mongole échappée au massacre des champs catalauniques ; telle enfin la région du Cap-Sizun, avec la pointe du Raz, hérissée, déchiquetée, tragique : la mer bout ; le sol trépide ; dans la brume, des gouffres mugissants se creusent (l’Enfer de Plogoff), où l’imagination bretonne croit ouïr la plainte des crierien, des âmes « dévoyées » qui n’ont pas reçu la sépulture en terre sainte et qui rôdent aux confins des deux ordres d’existence.

Les amateurs de sauvagerie goûteront là de fortes émotions. Mais il faudra qu’ils les y aillent chercher. Partout ailleurs, dans la magnifique baie de Douarnenez, couronnée par les quatre cimes violettes du Ménez-Hom, dans la rade de Brest, dans les anses de la Forêt, de Fouesnant, de Loctudy, du Caro, aux estuaires de l’Odet, du Goayen, de l’Elorn et de l’Aulne, la mer rentre ses griffes et n’est plus qu’une sirène voluptueuse. Insinuante, elle emprunte le lit des petits fleuves côtiers pour remonter jusqu’aux villes de l’intérieur. Au pied du mont Frugy, devant la statue équestre du roi Grallon, chevauchant le portrait de la cathédrale de Quimper, elle balance son corps nacré sous les plus verdoyantes futaies de la Cornouaille ; à Chateaulin, à Landerneau, à Audierne on la voit passer, rieuse, cambrée à la proue des barques qu’elle traîne dans son sillage. Et l’on sait qu’à Morgat et à Camaret,