Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/401

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vailler certains hommes comme Pascal, leur angoisse métaphysique se nourrit exclusivement de la contemplation des espaces célestes. Me de Sévigné elle-même n’a vraiment aimé et senti que les bois, qu’elle interprète d’ailleurs en femme de son temps façonnée par d’Urfé et les pastorales italiennes ; pour la mer, c’est à peine si elle trouve une épithète. Encore est-ce une épithète de pure convention. Et il en est ainsi jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, où la mer reprend sa montée et où l’on recommence à distinguer sa raie blanche dans les livres du prince de Ligne et de Bernardin de Saint-Pierre. Mais son grand mascaret mélancolique ne s’est réellement déclaré qu’avec Chateaubriand, fils de ces eaux bretonnes, qui, suivant l’expression d’Alfred Michiels, semblent chanter une éternelle messe des morts.

Il est parfaitement oiseux sans doute de rechercher si c’est la contemplation de la mer qui a éveillé chez l’homme le sentiment de l’infini ou si c’est l’homme qui a trouvé dans la mer une image de l’infini dont il était tourmenté. De toute manière, selon Marie Léneru, si dure aux dernières pages de son Journal pour la mer, — au point, l’ingrate, de lui préférer la montagne et la forêt, — l’homme s’est trompé : la mer « est une plaine : c’est mathématiquement le minimum de l’horizon (???) et sa courbure rappelle que la planète ne s’étend qu’en tombant et se pelotonnant en boule, etc., etc… » Pour rencontrer un jugement plus sévère, il faut remonter jusqu’à l’Apocalypse de Jean, aux yeux de qui la mer est une annulation, une stérilisation d’une partie de la terre, un reste du chaos primitif, ce qui explique que, peignant la félicité universelle qui suivra le jugement dernier, le vieux solitaire de Path-