Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cabaretiers de Plougastel. L’influence de ces personnages tient à la situation du bourg au centre d’une presqu’île fort vaste et à la nécessité où sont les cultivateurs d’y venir prendre langue une fois au moins, par semaine pour y régler leurs affaires, transporter leurs denrées, connaître les cours. C’est tout un voyage pour certains d’entre eux. Aussi le programme n’en est-il pas laissé au hasard : le choix du cabaretier chez qui l’on descendra préoccupe avant tout un chef de ménage, un pen-ty. Ce cabaretier ne vend pas seulement à manger et à boire : il est le chargé d’affaires de la famille, qui ne l’adopte qu’après mûres réflexions, ou plutôt son auberge est une agence de renseignements, quelquefois même le siège social d’un syndicat agricole auquel le pen-ty est affilié. Il en résulte, de l’un à l’autre, des relations beaucoup plus étroites que celles qui se nouent d’ordinaire entre un aubergiste et ses clients de passage. Vienne le moment où un jeune homme désire prendre femme, c’est, neuf fois sur dix, le cabaretier qu’il consultera, qui le renseignera sur la situation des parents, sur l’apport dotal de la jeune fille et qui, enfin, tout bien examiné, se chargera de la demande en mariage.

Cette demande, il la fait toujours de nuit[1]. La

  1. Et de ceci, comme de ce qui précède, résulte que le bazvalan plougastélois n’a en rien le caractère poétique de ses confrères des autres cantons : il n’est nullement, comme ils le furent du moins aux âges antiques (v. le Barzaz-Breiz et se rappeler aussi le délicieux troisième acte du Roi d’Ys de Lalo, où, du reste, l’emploi du bazvalan, et du breutaer est tenu par les chœurs alternés des jeunes garçons et des jeunes filles), un improvisateur, un discoureur en vers. Ces « discoureurs » n’ont cependant pas perdu tout crédit à Plougastel ; mais, indépendants du bazvalan, ils n’exercent généralement leur subtil métier que dans les banquets. On cite parmi les langues les plus affilées de la corporation le charpentier Goulard et le cultivateur