Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/81

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— Ils sont sacrés, c’est tout ce que je sais, répondit mon hôtesse, et l’on peut donc les consulter sans faire de péché : s’ils se conservent en bon état, c’est signe que tout va bien pour l’absent ; s’ils viennent à moisir, c’est signe que sa santé se gâte ou que sa vie est en danger. Les pains n’ont jamais trompé personne.

— Ma foi, je serais volontiers de cet avis, confirme un Plougastélois qui assiste à la conversation. J’ai fait mon « congé » à Toulon et en escadre ; je n’ai pas été malade un seul jour pendant mes quatre années de service. Aussi, en rentrant à la maison, j’ai trouvé mes quatre morceaux de bara an anaon secs comme du bois…

Cela est dit sans sourire, d’un ton grave et convaincu, par un homme jeune encore, un « chulot », comme on appelle ici les membres de l’aristocratie terrienne, bien pris dans son antique pourpoint bleu-de-roi à boutons de nacre et qui parle le français avec autant d’aisance que le bas-breton. Le cas n’est point rare à Plougastel, dans cette cellule peut-être unique de l’organisme national qui ressemble à un rêve de Le Play réalisé à l’extrémité du territoire. Et, comme j’en étais là de mes réflexions, une sonnerie lente et musicalement gémissante sur quatre notes espacées et toujours les mêmes : do-la-sol-fa, me fit lever interrogativement les yeux vers mon hôtesse…

— Le glas noble, m’expliqua-t-elle. On ne le sonne que pour les grands enterrements et pour la Vigile des Trépassés. Le glas du commun se donne à deux cloches seulement Mais hâtez-vous, Monsieur : puisque ces coutumes paraissent vous intéresser, il n’est que temps, si vous voulez assister dans l’ancien cimetière à l’adjudication du gwezen an anaon