Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/74

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autres. Ses gausseries n’étaient souvent qu’une attitude. Tant de dévotion, chez ces êtres tristes et minés de paresse, lui faisait plutôt pitié. Il les en plaignait secrètement comme d’une maladie. « Pour sûr, nous ne croyons pas au même Dieu », disait-il quelquefois, et il y avait un grand sens dans cette parole, car rien n’était plus éloigné de la religion simple et claire qu’il pratiquait. Au reste, cette dévotion outrée, mystérieuse, pleine de formules, si mal dégagée encore du sombre paganisme ancestral, se rencontre, un peu atténuée, chez la plupart des paysans bretons. Chez les Salaün, chez Coupaïa surtout, le rêve, l’isolement, la misère l’avaient portée au paroxysme.

Thomassin trouva Coupaïa qui récitait ses prières devant un grand crucifix de cuivre émaillé, posé sur la tablette de la croisée et qui avait toute l’apparence d’un crucifix byzantin. Pour cabossé fût-il et mordu dans les creux d’un vert-de-gris tenace, sa richesse de travail n’eût pas manqué de frapper un connaisseur. Mais Thomassin, qui l’avait toujours vu chez les Salaün, n’y prêtait pas plus d’attention qu’à un crucifix ordinaire. Il ne s’inquiétait même pas de connaître à quelle particu-