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Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/90

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attendit, pensant que le douanier était chez son beau-frère. Ce fut Coupaïa qui lui ouvrit. Dans l’obscurité, sous son capuchon de laine fauve, on ne distinguait point les traits de la vieille, et Coupaïa, qui crut à une chercheuse de pain, la fit entrer sans mot dire. Mais tout à coup, à la flamme du foyer, elle reconnut la rebouteuse et poussa une clameur aiguë :

— La sorcière ! la sorcière !

C’était ce même cri que les enfants lançaient parfois après Môn, mêlé à des pierres. Elle n’était pas du pays. Elle avait surgi un soir d’automne, sur la lande. D’où venait-elle ? De la Satiété ou de la Désespérance, ces pourvoyeuses ordinaires des solitudes ? Certains y retournent à la vie animale ; d’autres y retrouvent sous les étoiles les grands secrets perdus. Le vulgaire les enveloppe dans la même réprobation et les dévoue indistinctement à l’Enfer.

— Loïz-ar-béo n’est pas rentré ? demanda Môn sans relever la sotte invective.

Mais Coupaïa n’avait pas la tête à une réponse. Elle s’était reculée jusqu’à l’angle de la cheminée, près du châlit, d’où elle avait tiré une branche de buis consacré, et, l’agitant devant Môn, l’en exorcisait avec d’atroces menaces.