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LA VIE DE S. GUENNOLÉ.

immobile comme une souche, & le troisième devint aveugle. S. Guennolé, qui avoit eu revelation de ce qui se passoit, monta au Grenier, &, les ayant repris de leur faute, les exhorta à penitence & amendement de vie, puis leur rendit la santé du corps & de l’Ame car ils se donnerent, le reste de leur vie, au service de son Monastere. Riokus ou Riou, Religieux de Land-Tevenec (1), ayanteu nouvelles que sa mère estoit fort malade, eut obedience de S. Guennolé de l’aller v isiter mais, avant qu’il y peust arriver, elle trespassa. Riokus, arrivé, entra dans la chambre où estoit le corps il fit ouvrir la Chasse pour le voir, lequel il aspergea d’eau beniste faite par son Abbé, qu’il avoit apportée, &, tout à l’instant, cette femme ressuscita, au grand estonnement des assistans qui en rendirent graces à Dieu, & au glorieux saint Guennolé.

XVI. Comme il prioit devotement, une nuict, dans le Chœur de l’Église de Land-Tevenec, il luy sembla voir les cieux ouverts, & des Anges qui montoient vers le Thrône de Dieu, & d’autres qui descendoient si replandissans, qu’ils remplissoient l’Église d’une admirable clarté. Il vit pareillement quelques saintes Ames, environnées de gloire, monter aux Cieux.

Il y avoit au païs de Cornoüaille une Damoiselle fort devote & vertueuse, laquelle, par quelque infirmité, devint aveugle, dont elle ne s’affligea pas beaucoup, & n’interrompit aucunement ses bons exercices, mesme les continua avec plus de ferveur que jamais, s’adonnant aux prieres, veilles, jeusnes, aumônes & autres œuvres de pieté. Une nuict qu’elle estoit au fort de son Oraison, un Ange s’apparut à elle & luy dist que ses aumônes & prieres avoient esté agréables à la divine Majesté, mais sur tout sa patience en cette sensible affliction, dont elle seroit soulagée partant, luy commanda d’aller, le lendemain, à Land-Tevenec vers saint Guennolé, qui luy rendroit la veuë La Damoiselle s’y fit mener, &, s’estant mise à genoux, le saint Abbé luy toucha la prunelle des yeux, disant 0 Seigneur, qui illuminez tout homme venant en ce monde vous plaise rendre la veuë ci cette vostre servante Puis luy imprima le signe de la Ste. Croix sur les yeux, & incontinent elle receut la veuë.

XVII. Il estoit vieil & cassé & désiroit, de toute l’estenduë de son Ame, se voir délié de son corps pour aller jouir de l’amour éternel il importunoit continuellement le Ciel, ne passant plus le temps qu’à prier & méditer la Passion du Sauveur, se disposant à deloger de ce monde. Le soir précédant le jour qu’il trepassa, estant en Oraison devant le saint Sacrement, l’Église devint tout à coup claire comme en plein midy, & luy apparut un Ange, si beau & replendissant, que ses yeux n’en pouvoient supporter l’éclat, qui luy revela que, le lendemain, Dieu l’appelleroit à soy pour luy donner au Ciel les loyers deus à ses travaux, puis disparut. Le saint Abbé, ravy d’aise d’une si bonne nouvelle, tout le reste de la nuict persista en prieres & actions de graces, &, le matin venu, assembla capitulairement tous ses Religieux, où, leur ayant manifesté sa vision, les exhorta amoureusement à l’observance de la Regle, & leur nomma pour successeur le B. P. Wennaël, son cher Disciple & parfait imitateur, recommandant au souverain Pasteur l’Abbé nouveau & son troupeau. Il estoit déjà saisi de la fiévre, lorsqu’il se fit conduire en l’Infirmerie par deux Religieux, qui le soûtenoient par dessous les aisselles. S’estant mis au lict & reposé quelque peu, il se fit mener en l’Église, où, estant assis en sa Chaire Abbatiale, il vit les escadrons Angeliques, à milliers, descendre dans le Chœur de l’Église. Cette vision luy donna nouvelles forces, de sorte qu’il celebra Pontificalement la Messe, Communia tous ses religieux, leur donna sa dernière benediction, & ayant receu l’Extréme-Onction par les mains de son successeur saint Wennaël, sans aucune demonstration de douleur, deceda à l’Autel, entre les mains de (1) Ce n’est point saint Riok dont nous avons écrit la vie le 22 février. A.