Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/110

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saint Tudy jusqu’à Tours, ces sortes de documents historiques ne disent pas tout, mais il nous est bien permis d’y regretter pour nous-mêmes ces lacunes. Le Cartulaire est plus explicite et beaucoup plus prolixe sur les rapports de saint Guénolé avec le roi Grallon. IX. M. de la Borderie place non pas à Quimper, mais dans le territoire de la paroisse actuelle de Lanrivoaré, en Léon, la rencontre de saint Guénolé et de saint Guenaël ; nous le constatons, mais en enregistrant que la tradition orale à Ergué-Gabéric est que Romélius et Levenez possédaient un château dans cette paroisse, tout près de Kerfeunteun ; à côté de l’endroit où fut cette demeure, on montre et surtout on vénère toujours la fontaine de saint Guenaël. XI. Il y a beaucoup d’erreurs dans le récit que nous a donné Albert Le Grand de l’apparition de saint Patrice à saint Guénolé. Ce n’est pas du vivant de l’apôtre de l’Irlande que le saint moine forma le dessein d’aller voir les lieux sanctifiés par la présence et les actions du grand évêque. Le Cartulaire de Landevennec est formel sur ce point.

Ce n’est pas non plus dans l’église abbatiale, devant le Saint-Sacrement, qu’eut lieu l’apparition ; d’abord saint Guénolé n’était pas encore abbé, n’était pas à Landevennec, mais à l’île Lavré, sous la conduite du saint abbé Budoc dont saint Patrice lui dira « Habes et amantissimum patronum, cujus dulcia quasi mel in ore tuo semper redolent verba. »

C’est dans son sommeil qu’il entendit ces mots « Guénolé, saint ami de Dieu, es-tu éveillé ? Me voici ! qui êtes-vous, Seigneur ? » répond-il, et alors le saint du ciel donna à son jeune frère de la terre d’admirables conseils qui devaient porter leurs fruits. Le lendemain saint Guénolé raconta à saint Budoc la vision dont il avait été favorisé et celui ci y vit tous les caractères d’une manifestation vraiment surnaturelle, ce qui ne l’empêcha nullement de le plaisanter sur ses projets d’escapade, car il faut bien le reconnaître, saint Guénolé avait rêvé de partir subrepticement pour l’Irlande à bord d’un navire marchand mouillé près de l’île Lavré. Dieu l’avait fait connaître à saint Budoc. Celui-ci vit, dans la faveur faite à son disciple, la preuve que le jeune homme était désormais mûr pour le commandement et lui déclara sur le champ sa volonté formelle de l’envoyer fonder, avec onze compagnons, une nouvelle communauté ; mais en consentant à ce sacrifice il ne dissimula pas à ses enfants combien la séparation lui était cruelle ; jamais la charité qui unit les âmes dans la vie monastique n’a parlé un plus touchant langage.

XVII. Elle a sa beauté, la page où Albert Le Grand raconte la mort de saint Guénolé mais comme elle a inspiré le poète des Bretons, je donne ici le même récit fait par Brizeux et commençant par ce qui a donné son nom au poème La légende des Immortels (1). J’en retrancherai seulement quelques réflexions morales qui n’auraient pas ici leur raison d’être.

Lorsque le ciel est clair sous les taillis ombreux, Que la nature heureuse a dit soyez heureux !

Qu’ils dressent dans Paris leurs intrigues, leurs pièges, Eux-mêmes s’irritant aux bruits de leurs manèges, Moi, près d’un sanctuaire où jeune j’ai rêvé,

Bien loin, vers l’océan, je me suis ensauvé.

0 calme ! il faut chercher tes abris sur la terre ! Autrefois tu régnais en plus d’un monastère,

Nous disent les anciens le travail journalier,

L’emploi de chaque instant paisible et régulier, La nourriture sobre, herbes, simple laitage,

Apaisaient les aigreurs, d’Eve triste héritage, Et la prière enfin, s’élevant vers le ciel,

Sur les cœurs épurés redescendait en miel.

Tel, grand saint Wennolé (de la sainte Armorique Premier abbé), tel fut le monastère antique,

L’asile merveilleux qui s’ouvrit à ta voie

Sur le bord de la mer, aux lisières des bois.

(1) Œuvres d’Auguste Brizeux, Histoires Poétiques.

V, DES S. 7