LA VIE DE S. TENENAN.
il consentit, &, ayant pris congé de ceux de Ploubennec, s’en vint en Ville avec eux, où il fut receu en grande réjouissance de tout le peuple, qui se promettoit tout bon-heur d’avoir pour Pasteur un homme si saint & amy de Dieu.
XI. Incontinent après, il donna ordre à son Sacre & partit de sa Ville Episcopale de Saint-Paul, très bien accompagné, pour aller à Dol, où il fut honorablement recueilly de saint Genenvée ou Gennou, lors Archevesque de Dol, lequel, avec grande solemnité, le consacra en l’Église lors Metropolitaine de saint Samson en la ville de Dol. Au retour de son Sacre, il fit son entrée Episcopale dans la Ville de Saint-Paul & y fut receu avec un applaudissement & réjouïssance très-grande de tout le monde mais luy, ne s’arrestant à ces vaines & frivoles congratulations du peuple, çonsidevant meurement la sublimité de l’Episcopat & le haut degré qu’il tenoit en l’Église, exposé à la veuë de tant d’Ames, dont il se rendoit responsable devant la Majesté divine, r’entra en soy-mesme & pensa que tout ce qu’il avoit fait n’estoit que peu ou rien & qu’il falloit commencer, doresnavant, une manière de vie toute autre que celle qu’il avoit jusques là menée. Pour bien donc réformer les mœurs de son peuple, il commença par soy-même, quoy que sa vie fust si innocente, qu’il n’eust besoin de reformation son vivre estoit sans appareil son abstinence estoit grande il couchoit sur la dure son vestement estoit modeste & honneste ; son exercice ordinaire l’Oraison ; il faisoit, d’autre costé, l’office d’un vigilant Pasteur, veillant continuellement sur ses Ouailles, lesquelles il repaissoit de la parole de Dieu & édifioit par son bon exemple il faisoit soigneusement les visites par tout son Diocese, faisant réedifier les Églises que la rage des Danois avoit arrazées ou brûlées, fournissant ses Paroisses de bons Recteurs, zèlez à l’honneur de Dieu & au salut des Ames, reformant les mœurs du Clergé en un mot, faisant tout son devoir de bon & vigilant Pasteur aussi Dieu le rendit-il recommandable par plusieurs grands & beaux miracles.
XII. Comme il faisoit bastir l’Église de Saint Pierre de Ploubennec, n’estant encore que simple Prestre, il avoit de coutume d’aller par la forest és loges & hameaux des villageois demander l’aumosne pour nourrir ses ouvriers. Une fois, il demanda à une femme un peu de beurre pour l’amour de Dieu, laquelle, n’osant l’éconduire, se donna au diable si elle en avoit, quoy qu’en effet elle en eust en ses armoires, &, de plus, pria que, si elle en avoit, qu’il fust converti en pierres le saint Prélat prit patience mais Dieu châtia l’ingratitude de cette femme parjure ; car, quand elle alla à ses armoires pour devoir y prendre du beurre, ~lle trouva que quatre potées qu’elle avoit s’estoient, miraculeusement, converties en caillous, lesquelles on garda long-temps en mémoire du miracle.
XIII. Un Prestre de la mesme Paroisse portant le saint Sacrement à un malade, passant un mauvais chemin, laissa cheoir, par mégarde, la sainte Hostie, laquelle, quelque diligence qu’il mist à la chercher ce jour là & le lendemain, il ne pût jamais la trouver de quoy bien étonné & attristé, s’en vint à Saint-Paul se jetter aux pieds de son Evêque saint Tenenan, luy confessa, avec larmes, sa faute & négligence, luy en demanda absolution & pénitence le saint Prélat, fort attristé de cét accident, se mist en prieres, suppliant la divine Majesté de luy reveler qu’estoit devenuë cette Hostie. Sa prière fut exaucée car, comme il assistoit à l’Office divin en sa Cathedrale, voilà descendre dans le Chœur un beau Pigeon blanc, reluisant & brillant comme le Soleil, portant en son bec une branche de chêne verdoyant, qu’il déposa sur l’accoudoir de la Chaire Episcopale, devant le saint Prélat, qui la prit en sa main, &, la considevant, la vid bordée d’un essain de mouches à miel, lesquelles ayant chassé, il trouva que ces petites bêtes avoient fabriqué un petit dôme de cire en forme de Tabernacle, gros comme un œuf de poule, proprement doré & lissé de miel, lequel, ayant ouvert, il trouva la V. DES S. 22
