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LA VIE DE SAINT FRIARD,

Moyne reclus, Con fesseur, le premier jour d’Aoust.

aint FRIARD, parfait modelle de simplicité & innocence, Patron des Laboureurs & Vignerons, nasquit en la Paroisse de Besné (1), au Diocese & Comté de Nantes, en Bretagne Armorique, environ l’an de grâce 511 (2), sous le Pontificat de saint Symmachus & l’Empereur Anastâse I. régnant en Bretagne

Armorique le Roy Hoël II. du nom. Ses parens estoient pauvres Laboureurs, neanmoins gens de bien & craignans Dieu, lesquels luy apprirent sa croyance, l’accoustumans, dés son enfance, à fréquenter l’Église, assister devotement au service divin, entendre les Prédications, &, quand il fut en âge, fréquenter les Sacremens de Penitence & de l’Eucharistie. Estant devenu grand & ne sçachant point de métier, il se mit à labourer la terre pour gagner son pain à la sueur de son visage, &, lors qu’il estoit à sa tasche, la beche ou la pelle en main, il prioit continuellement Dieu, repetant quelques versets des Pseaumes qu’il avoit apris par cœur, s’en servant comme d’Oraison jaculatoire, &, l’heure du déjeuné, disné & goûté estant venuë, au lieu que les autres employoient ce temps à rire, gausser & faire bonne chere, il prenoit sobrement sa refection, puis se retiroit en quelque coin du champ, &, se jettant à genoux, prioit Dieu de grande affection, avec larmes & soûpirs. Jamais la fatigue du labeur ne luy fit transgresser les jeusnes commandez de l’Église, outre lesquels, il en observoit plusieurs autres, se contentant, le plus souvent, de gros pain & d’eau froide. Il gardoit presque un continuel silence, s’occupant interieurement avec Dieu, qui luy parloit au plus profond de son cœur, n’ouvrant la bouche que pour loüer Dieu, ou reprendre ses compagnons, s’il leur eschappoit quelque parole ou action indigne de Chrestiens.

II. Il estoit sur tout soigneux de conserver la pureté de son corps, aussi-bien que celle de son Ame ; jamais il ne pût estre induit à chose qui la soüillast, &, lorsque les autres jeunes laboureurs, que sa profession l’obligeoit de hanter, disoient quelques paroles, ou faisoient quelques actions lascives, il ne le pouvoit endurer, sans les reprendre aigrément ; &, s’ils ne vouloient desister, il les quittoit là & se retiroit au logis, aimant mieux perdre le salaire de ses journées (comme Joseph son manteau), que de contaminer la pureté de son Corps, ny de son Ame. Les autres Laboureurs, considerans les déportemens & façons de faire de Friard, bien éloignées des dissolutions de ces rustiques, se mocquoient de luy & le jugeoient fol dont ce Saint estoit extremément joyeux & remercioit Dieu de la faveur qu’il luy faisoit de permettre qu’il fust ainsi méprisé, d’autant qu’il jugeoit que l’humilité se conserve parmi les mépris & affronts, comme le feu sous la cendre mais Dieu voulut manifester à ces moqueurs la Vertu & Sainteté de son Serviteur, car, estans, un jour, tous ensemble en un champ occupez à couper & scier du bled, ils marchèrent sur des exains de grosses guespes ou freslons, lesquels s’élevèrent en l’air & commencèrent à leur mener telle guerre & les piquer si serré, qu’ils furent contraints de quitter leur besongne& de s’en fuir, disans par dérision (1) C’était alors une île déserte, perdue au milieu des grands marais où la Loire se débordait sur sa rive droite, vers la partie inférieure de son cours. Saint Grégoire de Tours nomme cette île en son latin Vmdunita les gens du pays l’appelaient Bethenez (qu’on prononçait probablement Bezenè). » (M. A. de la Borderie.) (2) On peut accepter cette date nous avons déjà vu la chronologie de la vie de saint Félix de Nantes, et nous verrons tout à l’heure les rapports de saint Friard avec ce grand évêque. A.-M. T.