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V. DES S. 34

LA VIE DE SAINT GUENEGAN,

Evesque de Cornoüaille, Con fesseur, le 15. Octobre.

E Bien-heureux Prélat saint Cognogan, ou Guenegan, étoit bas Breton de I Nation, Cadet de la Maison de la Palûe (1), prés la ville de Landerneau, en Léon ses père & mère étoient riches & puissans dans le Païs, & proches alliez du Vicomte de Léon Guyomarc. Ce saint enfant leur fut donné de Dieu

pour estre un jour l’honneur de leur famille, père & maistre de nombre de saints Religieux, qui devoient sortir de son écolle pour répendre la rosée Celeste de la grâce és Ames des fidélles. Ils furent soigneux de l’instruire en la maison paternelle jusqu’à l’âge de sept ans, qu’ils l’envoyèrent à l’écolle à Kempercorentin, où il y avoit lors un fameux collège, fondé jadis par le Roy Grallon, pour l’instruction des jeunes Seigneurs de son Royaume. Il demeura en ce collège six années, vaquant aux études des bonnes lettres, sans se devoyer aucunement du sentier de la vertu.

II. Ayant achevé ses humanitez, il se mit à l’étude de la philosophie, deux ans durant, en la mesme ville, puis s’adonna à l’étude de la sacrée Theologie, qu’il ouït au dévot Monastere de Land-Tevenec quatre années entières ; pendant lequel temps, il conversa parmy les Religieux, avec une si grande modestie, que l’Abbé & tous les Moynes en furent edifiez. Ce temps expiré, il fut r’apellé de ses parens qui en voulurent faire un homme du monde, &, à cette fin, l’envoyèrent à la cour du Vicomte de Léon, pour estre de son train & maison. Le saint jeune homme y trouva bien de la repugnance, son naturel & inclination ne le portans au bruït & au tracas de la cour ; neanmoins, pour ne contrister ses parens, il s’y en alla, & fut très-bien receu dudit Seigneur de Léon. Il parut bien que Dieu, par une speciale disposition, avoit acheminé ce jeune homme à cette cour, veu que, dans peu de temps, il la reforma de telle sorte, qu’elle sembloit plûtost un Monastere bien reglé, que la cour d’un prince seculier.

III. Il passa cinq années en cette cour, sans s’entacher aucunement des vices des courtizans ; mais, désireux de mener une vie plus parfaite, il demanda son congé ; &, étant de retour en sa maison, il déclara ouvertement son dessein à ses père & mère, leur disant qu’il désiroit se retirer totalement du monde & se consacrer à Dieu. Du commencement, ils ne luy voulurent accorder mais, voyant sa perseverance & résolution, ils y consentirent. Il receut les Ordres Mineures & Majeures, servant esdites Ordres jusqu’à la Prestrise étant Prestre, ses parens le pourvurent d’un benefice, mais il ne le posséda gueres, car son père étant decedé, il se retira de la ville & vint à la Paliie, où il edifia une belle Chapelle, prés sa maison, & y celebroit journellement la Sainte Messe, avec une extrême devotion (2).

Dieu ayant apellé sa mère, il quitta tout à fait son Pais & sa maison & se retira au désert, où il menoit une vie si austere & exemplaire, que le bruit de sa Sainteté vola par toute la Bretagne, de sorte que le peuple commença à le visiter, & fréquenter son Hermitage, ce qui le fit résoudre à le quitter tout à fait & à se retirer au Monastere de Land-Tevenec, où, autrefois, il avoit étudié en Theologie.

(1) Cette terre de la Patue, désignée maintenant sous le nom de Beuiit-Conogan, est décrite dans la charte XLI du cartulaire de Lattdévennec, p. 16ft, de l’édition de M. de la Borderie. J.-M. A.

(2) Ceci ne laisse pas que d’être assez invraisemblable, car en Bretagne les prêtres appartenaient presque toujours au clergé régulier. A.-M. T.